Rencontre du 3ème type
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Rencontre du 3ème type
Silhouettes extraterrestres, beauty looks cosmiques et accessoires lunaires : le bizarre déferle sur la pop culture, les podiums et la pub. Mais de quoi cette tendance est-elle le nom ? Doit-on y voir la célébration de l’excentricité ou au contraire l’avènement d’une nouvelle conformité ? Éléments de réponse.
Le bizarre, état de l’art
Août 2023. Beyoncé s’affiche sur son compte Insta en body jaune et bottes assorties, réhaussés d’étranges tentacules strassées. Des lunettes de soleil XXL futuristes complètent une tenue lunaire qui lui donne un air de créature imaginaire. Un outfit étonnant, qui fait écho au single phare de son dernier album : Alien Superstar.
Décembre 2023. La marque NYX Professional Makeup, connue pour sa vision avant-gardiste du maquillage, lance une campagne devenue virale : the True ID Card. Le concept : célébrer l’expression des singularités en permettant à chacun de créer sa propre carte d’identité. Le maquillage n’est plus considéré comme un moyen de camoufler ses imperfections mais comme un outil au service de l’expression de sa personnalité profonde. Et toutes les extravagances sont permises !

Beyoncé, NYX Professional Makeup : ces deux exemples sont loin d’être des cas isolés. Un peu plus tôt dans l’année, L’Oréal Professionnel a lancé sur les plateformes de Metavers la collection Gravitas. 5 hairstyles avant-gardistes qui cassent les codes de la beauté capillaire et offrent aux gamers des possibilités d’expression inédites. Quant aux aliens, ils ont récemment inspiré plusieurs Maisons et de jeunes créateurs, à tel point qu’on parle désormais d’Alien Core. Aucun doute : le paranormal séduit et il faut désormais composer avec les petits hommes verts.
3ème type, 3ème genre : même combat
Mais que traduit ce nouveau phénomène ? Pour y voir un peu plus clair, tournons-nous vers l’étymologie. Le mot « paranormal » vient du grec et signifie littéralement « contraire à la norme ».

La montée en puissance de cette tendance dans les univers mode et beauté semble donc faire écho à la volonté des individus de se libérer des injonctions contemporaines. Il faut dire que l’époque en regorge ! Injonction à avoir une plastique parfaite, à être une bonne mère, à manger 5 fruits et légumes par jour, à mener sa carrière tambour battant et même - comble de l’absurde – à être heureux. Si les injonctions ont toujours existé, le phénomène est amplifié par l’omniprésence des réseaux sociaux et le règne des influenceurs qui vivent une vie de rêve derrière l’écran. Et qu’importe que celui-ci soit de fumée.

Les individus étouffent sous ce vernis normatif et aspirent à s’en libérer pour afficher leur singularité. Une affirmation de soi dans la continuité du body positivisme et la remise en question du carcan hétéronormé amorcée il y a quelques années. Ainsi, quand NYX Professional Makeup choisit Bilal Hassani comme égérie pour sa dernière campagne, ce n’est pas un hasard. Ce personnage inclassifiable se joue des conventions et revendique ouvertement sa fluidité, ne se sentant ni tout à fait homme, ni tout à fait femme : "J'aime bien le terme genderfluid. En vérité, tous les pronoms me vont. J'aime cette idée de voyage et de mouvance constante, ça me permet de me libérer des chaînes de mon propre esprit. L'idée du genre m'est personnellement plutôt obsolète."

Cette affirmation d’un 3ème genre – ni homme ni femme – fait écho à la tendance 3ème type. Finalement, si les aliens avaient un message à transmettre aux terriens, ce serait peut-être : « Venez comme vous êtes, vraiment – et non pas tel que la société attend que vous soyez. »
La non-conformité : un nouveau diktat ?
À première vue donc, le paranormal et l’expression de la pluralité via des looks extravagants sont positifs. Mais cette tendance est-elle vraiment aussi libératrice qu’elle paraît ? On est en droit d’en douter. Après tout, quelques lettres seulement séparent le mot « alien » du mot « aliénation ». Un terme aux antipodes de l’empowerment et de la célébration des singularités, dont Larousse donne une définition sans équivoque : « fait de soumettre quelqu'un à des contraintes, lui enlever son libre arbitre ». Paradoxe : et si le paranormal n’était au fond qu’une nouvelle norme ? Une injonction à se montrer différent vaille que vaille, au risque de se créer une identité factice pour coller à la tendance ?

Hétéro pur jus arborant jean brut, paire de Stan et make-up léger, prends garde : tu pourrais bientôt te retrouver pointé(e) du doigt accusateur d’E.T et passer pour un ovni !